dimanche 30 mars 2008

Une Bibliographie à la RUE

Que se cache-t-il derrière ce pilier de la sagesse 2.0 qu'est la Rich User Experience?

Le niveau actuel d'interaction entre la Bibliographie nationale française et l'usager est peu développé.
Aucune aide à la consultation n'est proposée. Peut-être est-ce à dessein. Un document sur le sujet précise en effet : "Information retrieval systems should ideally be designed in a way to enable the end-user to use them without outside help, special documentation or training". Ideally... L'absence d'aide à la consultation serait donc la preuve qu'il n'en est pas besoin.
La complexité de l'interface est elle aussi minimale. Peut-être est-ce également à dessein.
"The interface has to be simple, clear and tolerant of mistakes. End-users do not want complex systems [...]".
Pourtant n'y a-t-il pas là un paradoxe puisque la Bibliographie nationale française se présente explicitement comme un outil pour les professionnels? L'interface pourrait à coup sûr être moins élémentaire...
L'usager a, il est vrai, toute latitude pour remplir un cahier de doléances, s'il a assez bonne vue toutefois pour repérer une minuscule enveloppe sur l'écran. Faute de produire des informations, il produit de la rouspétance. Ce genre de clapet est fort utile pour les cocotte minutes...
Le courrier reçu par le biais de boîtes génériques correspondant à chaque partie de la Bibliographie nationale française est, dans le meilleur des cas, analysé et typologisé. On met du baume sur les egos blessés, on fait de la "médiation".
La communication est bien sûr asynchrone. On ne peut exclure que des usagers ayant des informations ou des questions à transmettre à l'institution fassent le calcul de ne pas les transmettre. Écrire un message et attendre en retour une réponse forcément différée dans le temps, voilà un bien grand effort. Les bibliothèques américaines ont compris dans leur majorité que la réponse doit être fournie dans la séquence temporelle qui correspond au besoin initial.
C'est pourquoi elles ont recours à la messagerie instantanée.
L'institution de ce côté de l'Atlantique est désincarnée. Répondre oui, mais sans voix. De l'autre côté de l'Atlantique, la voix est déjà une réponse partielle. Culte de l'infaillibilité d'un côté, pragmatisme de l'autre. Bref, seuls les usagers très en colère de la Bibliographie nationale française utilisent les boîtes génériques et comme il s'agit rarement de professionnels...

Au final l'expérience de l'usager, loin d'être riche, est d'une singulière indigence. Elle n'est guère différente de celle qui avait cours au siècle passé.

Indexation et collaboration

Dans le modèle actuel, c'est le bibliothécaire qui indexe la ressource dans un langage contrôlé.
Pour réduire le bruit, il faut réduire la part de l'humain.
Au premier stade d'un modèle participatif, l'usager aurait la possibilité de tagger les ressources signalées dans la Bibliographie nationale. Le modèle actuel ne serait pas destitué mais au contraire enrichi grâce à cette nouvelle fonctionnalité. Le bibliothécaire pourrait même contrôler que son langage ... contrôlé (!) prévoit les variantes effectivement utilisées par l'utilisateur...
Le langage naturel doit être un moteur d'adaptation pour les langages contrôlés.
Mais ce premier stade pourrait être suivi d'autres étapes où la réintroduction de l'humain permettrait de compenser les limites du modèle actuel.

Le tag ne renseigne pas en effet seulement sur la ressource mais sur le taggeur lui-même, de sorte que certains services (comme Del.icio.us) permettent de savoir qui a posé le tag, de suivre son activité de taggage, d'en faire un de ses taggeurs préférés, de voir si la réciproque est vraie, de se constituer un réseau de taggeurs pour mutualiser la recherche et la découverte de ressources. Le tag devient ainsi un signe d'auto-reconnaissance "communautaire" et un biais par lequel organiser le partage d'informations.

Nous renvoyons pour plus de détails à la présentation de Liz B. Davis :
http://edtechpower.blogspot.com/2008/02/networking-with-delicious.html

Nous militons donc pour un modèle hybride et biface. Comme les bananes, la Bibliographie nationale française doit se consommer par les deux bouts, celui du producteur et celui de l'usager.

Ratatouille à l'Afnor : un week-end sans 2.0 (ou presque)

Par un pur hasard, Lamcan a eu récemment l'occasion de mettre les pieds dans un temple de l'expertise en France, à savoir l'Association française de normalisation. On pourrait croire a priori que l'Afnor réserve jalousement l'expertise aux seuls experts. Or, rien de tel au sein de cet organisme. Bien au contraire... Le consensus est la règle. Et surtout n'importe quel citoyen est habilité à commenter les normes, y compris les normes homologuées qui figurent au premier rang de la hiérarchie normative.
Le lendemain, changement de contexte. Visionnage, circonstances familiales obligent, d'une des dernières réalisations du studio Pixar, Ratatouille. C'est l'histoire d'un rat qui fait sienne la devise du Chef Gusteau, grande toque de la gastronomie parisienne, selon laquelle "Everyone can be a cook." Au terme d'un film très animé, le narrateur tire la morale de l'histoire : tout le monde ne peut pas être un grand chef mais un grand chef (ou une recette aussi merveilleuse que la ratatouille) peut surgir de n'importe où. Le mélange entre les experts-aubergines et les amateurs-poivrons n'est pas condamné à n'être qu'un infâme brouet, surtout si le Chef use de son talent pour parvenir à une exquise alchimie.
Certains placent la barre très haut, à dessein... Il est certain que tous les singes de la Planète ne suffiront pas pour rédiger une oeuvre comparable à la Recherche ou même à la Planète des singes... Le web 2.0 ressuscite la vieille polémique autour de l'art de la photographie. Si tout le monde n'a pas le talent de Boubat, Steichen, Walker Evans ou Ansel Adams, tout le monde peut prendre une photographie aussi mémorable que les sus-nommés.

mercredi 26 mars 2008

Catalogue ou Bibliographie nationale?

C'est peut-être le caractère impressionnant et monolithique de l'appellation mais lorsqu'on demande aux usagers du Rez-de-Jardin (aussi bien ceux qui l'utilisent que ceux qui ne l'utilisent pas) de se risquer à une définition de la Bibliographie nationale française, on obtient dans le meilleur des cas les mots suivants : catalogue, répertoire, recensement...
En poussant un peu le répondant dans ses retranchements, il devient vite évident que celui-ci n'a pas conscience du fait que la Bibliographie nationale française est une "publication en série".
Rien ne dit dans le libellé du produit "Bibliographie nationale française" que l'on a affaire à des parutions régulières (et variables selon les parties).
L'image que se fait l'usager de la Bibliographie nationale française est celle d'une vaste somme, d'un gigantesque réservoir, d'un compendium.
Bref, le caractère feuilletonesque de la Bibliographie nationale française n'est pas perçu. Comment s'étonner dès lors que la différence date de publication / date de réception et de traitement par les services du dépôt légal ne soit pas elle-même perçue?

La Bibliographie nationale française s'en tire par une mise en garde solennelle. Attention!
La Bibliographie nationale française n'est point un catalogue. Mais pour parvenir à ce point, il faut déjà avoir franchi un certain nombre d'étapes...

Pire, lorsqu'on explique à l'usager pourquoi la Bibliographie nationale française n'est pas un catalogue, l'usager rétorque (comment l'en blâmer?) que la Bibliographie nationale française est une sorte de catalogue "moins", quand il n'a pas le front de dire tout de go :
"Mais alors à quoi ça sert, la Bibliographie nationale française?"

Pour être tout à fait francs, il y a aussi ce chercheur qui, alors que nous lui proposions de répondre à une enquête sur la Bibliographie nationale française, lance d'emblée : "Vous ne voulez pas au moins supprimer la Bibliographie nationale française?"

Nous l'avons rassuré en précisant que tel n'était pas évidemment notre dessein et qu'au contraire, nous cherchions à savoir comment revitaliser, redynamiser, ou simplement améliorer ce vénérable service. Il y a donc bien un attachement sentimental à ce fanal bibliographique, même si la personne en question disait ne pas ou ne plus utiliser la Bibliographie nationale française pour ses besoins propres...

Tout le problème consisterait donc à mieux différencier ces deux réalités que sont le catalogue et la Bibliographie nationale française, à faire en sorte que la Bibliographie nationale française ne soit pas un concurrent malheureux du catalogue de la BnF.

Plusieurs options sont envisageables et d'ailleurs envisagées. La première consiste à établir un lien entre la notice de la Bibliographie nationale française et la notice du catalogue de façon à permettre l'accès au document. Ce faisant, on améliore le service, au risque cependant de brouiller la distinction entre catalogue et Bibliographie nationale.
Une autre solution consisterait à associer à l'outil bibliographique un outil de publication et/de mise en relation où les contenus seraient produits par l'usager.

Service ou produit?

Lors d'une réunion entre professionnels, il fut question de choisir entre les mots "service" et "produit" pour désigner la nature profonde de la Bibliographie nationale française. On devine l'objet de la querelle sémantique. Qui dit "service" dit "service pour les usagers ou à tout le moins un groupe d'usagers". Une fois que la Bibliographie nationale est produite, on n'est qu'à mi-chemin du service à rendre. Qui dit "produit" envisage au contraire la Bibliographie nationale sous l'angle du processus de fabrication en dissociant le résultat de l'usage.
Le plus étrange, c'est que ceux qui en toute logique auraient dû utiliser le mot "produit" (à savoir les services producteurs de la Bibliographie nationale française) utilisaient le mot "service" alors que ceux qui souhaitaient (ne serait-ce que) se poser la question de l'usager avaient recours au mot "produit".
Étrange mais peut-être pas tant qu'il y paraît à première vue. Les producteurs ont intérêt à qualifier de service ce qu'ils n'envisagent que sous la forme d'un produit. Quant aux autres, le terme "produit" est utilisé dans le langage professionnel pour désigner les services offerts à l'extérieur de la BnF.
De quoi, vous l'avouerez, brouiller les cartes.
À partir de quel moment peut-on donc parler de service?
Il y a "service" à partir du moment où l'on ne se satisfait pas de l'usage "naturel" qui est fait du produit, où l'usage est quantifié, analysé, évalué et où des moyens sont conçus pour développer l'usage.

mardi 25 mars 2008

Degré de satisfaction

Poser les mêmes questions en ligne et sur le mode présentiel réserve parfois des surprises et rappelle que les conditions d'observation influent sur le résultat de l'enquête.
Ainsi, la majorité des répondants s'estime "assez satisfaite" de la Bibliographie nationale française. Il en va autrement lorsque la question est posée sur le vif.
Le répondant (qui ne veut sans doute pas peiner celui qui lui pose la question) s'estime très satisfait. Alors assez ou très satisfait?

Très, très...

lundi 24 mars 2008

Changement de paradigme

Quoi de mieux pour conserver et ranger ses trésors qu'une boîte? C'est de là, on le sait, que provient l'origine étymologique du mot "bibliothèque". On sait aussi qu'il en est aussi des boîtes comme des poupées russes qui s'enchâssent l'une dans l'autre. Au fond, la Bibliographie nationale française n'est rien d'autre que la mise en boîte de la production éditoriale française. Le souci majeur des gestionnaires du dépôt légal a toujours été de faire entrer la totalité de la production dans la boîte conçue à cet effet au nom du principe de l'exhaustivité.
La boîte est dotée d'une structure propre avec ses cinq parties, soutenue par un cadre de classement et quadrillée par des index. La Bibliographie nationale française est toute entière gouvernée, comme le voit, par des principes d'organisation spatiale.

Mais la Bibliographie nationale française a toujours été travaillée par des tensions internes. Elle a en effet, outre sa fonction de contenant, un rôle d'annonce. Qui dit "annonce" dit rapport entre le moment où un document est produit et le moment où ce même document est annoncé. Tout l'enjeu, on l'aura compris, consiste à raccourcir l'écart entre ces deux moments. Ce qui est fort louable.

Il n'en reste pas moins que le temps qui fait référence est celui du dépôt légal. Chaque document est classé non pas dans le segment chronologique qui correspond à sa publication mais dans celui qui correspond à sa réception et à son traitement par les services du dépôt légal.

Or ce temps est institutionnel, contre-intuitif et donc foncièrement étranger à l'usager.
Un éditeur qui a publié un ouvrage en mars 2006 doit paradoxalement surveiller les parutions de la Bibliographie nationale française postérieures au premier trimestre 2006 pour y trouver la référence.

La temporalité propre à l'édition est elle même rétive au temps du dépôt légal. Prenons par exemple le phénomène des "quick books", c'est-à-dire de ces livres programmés pour sortir au lendemain même de l'événement qu'ils sont censés décrire (événement sportif, élection, etc.). L'annonce de l'ouvrage intervient alors que celui-ci est retiré des rayons depuis longtemps. Ces annonces a posteriori constituent un singulier paradoxe...

Les usagers n'ont pas toujours une juste représentation du fonctionnement temporel de la Bibliographie nationale française. Un tel croyait par exemple que la Bibliographie nationale française des publications en série recensait toutes les publications vivantes à l'instant "t", ce qui est peut-être une idée loin d'être idiote.

Le paradigme spatial est biblio-centrique alors que le paradigme temporel est davantage centré sur l'usager. Il suffit de rappeler la 4ème loi de Ranganathan qui incite à épargner le temps de l'usager. Or l'exhaustivité du dépôt légal n'est pas de nature à rendre ce service.

Notre hypothèse est que le web 2.0 en fournissant des indications sur la réception et le contexte d'usage du document est en mesure de faire économiser du temps à l'usager.