dimanche 30 mars 2008

Une Bibliographie à la RUE

Que se cache-t-il derrière ce pilier de la sagesse 2.0 qu'est la Rich User Experience?

Le niveau actuel d'interaction entre la Bibliographie nationale française et l'usager est peu développé.
Aucune aide à la consultation n'est proposée. Peut-être est-ce à dessein. Un document sur le sujet précise en effet : "Information retrieval systems should ideally be designed in a way to enable the end-user to use them without outside help, special documentation or training". Ideally... L'absence d'aide à la consultation serait donc la preuve qu'il n'en est pas besoin.
La complexité de l'interface est elle aussi minimale. Peut-être est-ce également à dessein.
"The interface has to be simple, clear and tolerant of mistakes. End-users do not want complex systems [...]".
Pourtant n'y a-t-il pas là un paradoxe puisque la Bibliographie nationale française se présente explicitement comme un outil pour les professionnels? L'interface pourrait à coup sûr être moins élémentaire...
L'usager a, il est vrai, toute latitude pour remplir un cahier de doléances, s'il a assez bonne vue toutefois pour repérer une minuscule enveloppe sur l'écran. Faute de produire des informations, il produit de la rouspétance. Ce genre de clapet est fort utile pour les cocotte minutes...
Le courrier reçu par le biais de boîtes génériques correspondant à chaque partie de la Bibliographie nationale française est, dans le meilleur des cas, analysé et typologisé. On met du baume sur les egos blessés, on fait de la "médiation".
La communication est bien sûr asynchrone. On ne peut exclure que des usagers ayant des informations ou des questions à transmettre à l'institution fassent le calcul de ne pas les transmettre. Écrire un message et attendre en retour une réponse forcément différée dans le temps, voilà un bien grand effort. Les bibliothèques américaines ont compris dans leur majorité que la réponse doit être fournie dans la séquence temporelle qui correspond au besoin initial.
C'est pourquoi elles ont recours à la messagerie instantanée.
L'institution de ce côté de l'Atlantique est désincarnée. Répondre oui, mais sans voix. De l'autre côté de l'Atlantique, la voix est déjà une réponse partielle. Culte de l'infaillibilité d'un côté, pragmatisme de l'autre. Bref, seuls les usagers très en colère de la Bibliographie nationale française utilisent les boîtes génériques et comme il s'agit rarement de professionnels...

Au final l'expérience de l'usager, loin d'être riche, est d'une singulière indigence. Elle n'est guère différente de celle qui avait cours au siècle passé.

Indexation et collaboration

Dans le modèle actuel, c'est le bibliothécaire qui indexe la ressource dans un langage contrôlé.
Pour réduire le bruit, il faut réduire la part de l'humain.
Au premier stade d'un modèle participatif, l'usager aurait la possibilité de tagger les ressources signalées dans la Bibliographie nationale. Le modèle actuel ne serait pas destitué mais au contraire enrichi grâce à cette nouvelle fonctionnalité. Le bibliothécaire pourrait même contrôler que son langage ... contrôlé (!) prévoit les variantes effectivement utilisées par l'utilisateur...
Le langage naturel doit être un moteur d'adaptation pour les langages contrôlés.
Mais ce premier stade pourrait être suivi d'autres étapes où la réintroduction de l'humain permettrait de compenser les limites du modèle actuel.

Le tag ne renseigne pas en effet seulement sur la ressource mais sur le taggeur lui-même, de sorte que certains services (comme Del.icio.us) permettent de savoir qui a posé le tag, de suivre son activité de taggage, d'en faire un de ses taggeurs préférés, de voir si la réciproque est vraie, de se constituer un réseau de taggeurs pour mutualiser la recherche et la découverte de ressources. Le tag devient ainsi un signe d'auto-reconnaissance "communautaire" et un biais par lequel organiser le partage d'informations.

Nous renvoyons pour plus de détails à la présentation de Liz B. Davis :
http://edtechpower.blogspot.com/2008/02/networking-with-delicious.html

Nous militons donc pour un modèle hybride et biface. Comme les bananes, la Bibliographie nationale française doit se consommer par les deux bouts, celui du producteur et celui de l'usager.

Ratatouille à l'Afnor : un week-end sans 2.0 (ou presque)

Par un pur hasard, Lamcan a eu récemment l'occasion de mettre les pieds dans un temple de l'expertise en France, à savoir l'Association française de normalisation. On pourrait croire a priori que l'Afnor réserve jalousement l'expertise aux seuls experts. Or, rien de tel au sein de cet organisme. Bien au contraire... Le consensus est la règle. Et surtout n'importe quel citoyen est habilité à commenter les normes, y compris les normes homologuées qui figurent au premier rang de la hiérarchie normative.
Le lendemain, changement de contexte. Visionnage, circonstances familiales obligent, d'une des dernières réalisations du studio Pixar, Ratatouille. C'est l'histoire d'un rat qui fait sienne la devise du Chef Gusteau, grande toque de la gastronomie parisienne, selon laquelle "Everyone can be a cook." Au terme d'un film très animé, le narrateur tire la morale de l'histoire : tout le monde ne peut pas être un grand chef mais un grand chef (ou une recette aussi merveilleuse que la ratatouille) peut surgir de n'importe où. Le mélange entre les experts-aubergines et les amateurs-poivrons n'est pas condamné à n'être qu'un infâme brouet, surtout si le Chef use de son talent pour parvenir à une exquise alchimie.
Certains placent la barre très haut, à dessein... Il est certain que tous les singes de la Planète ne suffiront pas pour rédiger une oeuvre comparable à la Recherche ou même à la Planète des singes... Le web 2.0 ressuscite la vieille polémique autour de l'art de la photographie. Si tout le monde n'a pas le talent de Boubat, Steichen, Walker Evans ou Ansel Adams, tout le monde peut prendre une photographie aussi mémorable que les sus-nommés.

mercredi 26 mars 2008

Catalogue ou Bibliographie nationale?

C'est peut-être le caractère impressionnant et monolithique de l'appellation mais lorsqu'on demande aux usagers du Rez-de-Jardin (aussi bien ceux qui l'utilisent que ceux qui ne l'utilisent pas) de se risquer à une définition de la Bibliographie nationale française, on obtient dans le meilleur des cas les mots suivants : catalogue, répertoire, recensement...
En poussant un peu le répondant dans ses retranchements, il devient vite évident que celui-ci n'a pas conscience du fait que la Bibliographie nationale française est une "publication en série".
Rien ne dit dans le libellé du produit "Bibliographie nationale française" que l'on a affaire à des parutions régulières (et variables selon les parties).
L'image que se fait l'usager de la Bibliographie nationale française est celle d'une vaste somme, d'un gigantesque réservoir, d'un compendium.
Bref, le caractère feuilletonesque de la Bibliographie nationale française n'est pas perçu. Comment s'étonner dès lors que la différence date de publication / date de réception et de traitement par les services du dépôt légal ne soit pas elle-même perçue?

La Bibliographie nationale française s'en tire par une mise en garde solennelle. Attention!
La Bibliographie nationale française n'est point un catalogue. Mais pour parvenir à ce point, il faut déjà avoir franchi un certain nombre d'étapes...

Pire, lorsqu'on explique à l'usager pourquoi la Bibliographie nationale française n'est pas un catalogue, l'usager rétorque (comment l'en blâmer?) que la Bibliographie nationale française est une sorte de catalogue "moins", quand il n'a pas le front de dire tout de go :
"Mais alors à quoi ça sert, la Bibliographie nationale française?"

Pour être tout à fait francs, il y a aussi ce chercheur qui, alors que nous lui proposions de répondre à une enquête sur la Bibliographie nationale française, lance d'emblée : "Vous ne voulez pas au moins supprimer la Bibliographie nationale française?"

Nous l'avons rassuré en précisant que tel n'était pas évidemment notre dessein et qu'au contraire, nous cherchions à savoir comment revitaliser, redynamiser, ou simplement améliorer ce vénérable service. Il y a donc bien un attachement sentimental à ce fanal bibliographique, même si la personne en question disait ne pas ou ne plus utiliser la Bibliographie nationale française pour ses besoins propres...

Tout le problème consisterait donc à mieux différencier ces deux réalités que sont le catalogue et la Bibliographie nationale française, à faire en sorte que la Bibliographie nationale française ne soit pas un concurrent malheureux du catalogue de la BnF.

Plusieurs options sont envisageables et d'ailleurs envisagées. La première consiste à établir un lien entre la notice de la Bibliographie nationale française et la notice du catalogue de façon à permettre l'accès au document. Ce faisant, on améliore le service, au risque cependant de brouiller la distinction entre catalogue et Bibliographie nationale.
Une autre solution consisterait à associer à l'outil bibliographique un outil de publication et/de mise en relation où les contenus seraient produits par l'usager.

Service ou produit?

Lors d'une réunion entre professionnels, il fut question de choisir entre les mots "service" et "produit" pour désigner la nature profonde de la Bibliographie nationale française. On devine l'objet de la querelle sémantique. Qui dit "service" dit "service pour les usagers ou à tout le moins un groupe d'usagers". Une fois que la Bibliographie nationale est produite, on n'est qu'à mi-chemin du service à rendre. Qui dit "produit" envisage au contraire la Bibliographie nationale sous l'angle du processus de fabrication en dissociant le résultat de l'usage.
Le plus étrange, c'est que ceux qui en toute logique auraient dû utiliser le mot "produit" (à savoir les services producteurs de la Bibliographie nationale française) utilisaient le mot "service" alors que ceux qui souhaitaient (ne serait-ce que) se poser la question de l'usager avaient recours au mot "produit".
Étrange mais peut-être pas tant qu'il y paraît à première vue. Les producteurs ont intérêt à qualifier de service ce qu'ils n'envisagent que sous la forme d'un produit. Quant aux autres, le terme "produit" est utilisé dans le langage professionnel pour désigner les services offerts à l'extérieur de la BnF.
De quoi, vous l'avouerez, brouiller les cartes.
À partir de quel moment peut-on donc parler de service?
Il y a "service" à partir du moment où l'on ne se satisfait pas de l'usage "naturel" qui est fait du produit, où l'usage est quantifié, analysé, évalué et où des moyens sont conçus pour développer l'usage.

mardi 25 mars 2008

Degré de satisfaction

Poser les mêmes questions en ligne et sur le mode présentiel réserve parfois des surprises et rappelle que les conditions d'observation influent sur le résultat de l'enquête.
Ainsi, la majorité des répondants s'estime "assez satisfaite" de la Bibliographie nationale française. Il en va autrement lorsque la question est posée sur le vif.
Le répondant (qui ne veut sans doute pas peiner celui qui lui pose la question) s'estime très satisfait. Alors assez ou très satisfait?

Très, très...

lundi 24 mars 2008

Changement de paradigme

Quoi de mieux pour conserver et ranger ses trésors qu'une boîte? C'est de là, on le sait, que provient l'origine étymologique du mot "bibliothèque". On sait aussi qu'il en est aussi des boîtes comme des poupées russes qui s'enchâssent l'une dans l'autre. Au fond, la Bibliographie nationale française n'est rien d'autre que la mise en boîte de la production éditoriale française. Le souci majeur des gestionnaires du dépôt légal a toujours été de faire entrer la totalité de la production dans la boîte conçue à cet effet au nom du principe de l'exhaustivité.
La boîte est dotée d'une structure propre avec ses cinq parties, soutenue par un cadre de classement et quadrillée par des index. La Bibliographie nationale française est toute entière gouvernée, comme le voit, par des principes d'organisation spatiale.

Mais la Bibliographie nationale française a toujours été travaillée par des tensions internes. Elle a en effet, outre sa fonction de contenant, un rôle d'annonce. Qui dit "annonce" dit rapport entre le moment où un document est produit et le moment où ce même document est annoncé. Tout l'enjeu, on l'aura compris, consiste à raccourcir l'écart entre ces deux moments. Ce qui est fort louable.

Il n'en reste pas moins que le temps qui fait référence est celui du dépôt légal. Chaque document est classé non pas dans le segment chronologique qui correspond à sa publication mais dans celui qui correspond à sa réception et à son traitement par les services du dépôt légal.

Or ce temps est institutionnel, contre-intuitif et donc foncièrement étranger à l'usager.
Un éditeur qui a publié un ouvrage en mars 2006 doit paradoxalement surveiller les parutions de la Bibliographie nationale française postérieures au premier trimestre 2006 pour y trouver la référence.

La temporalité propre à l'édition est elle même rétive au temps du dépôt légal. Prenons par exemple le phénomène des "quick books", c'est-à-dire de ces livres programmés pour sortir au lendemain même de l'événement qu'ils sont censés décrire (événement sportif, élection, etc.). L'annonce de l'ouvrage intervient alors que celui-ci est retiré des rayons depuis longtemps. Ces annonces a posteriori constituent un singulier paradoxe...

Les usagers n'ont pas toujours une juste représentation du fonctionnement temporel de la Bibliographie nationale française. Un tel croyait par exemple que la Bibliographie nationale française des publications en série recensait toutes les publications vivantes à l'instant "t", ce qui est peut-être une idée loin d'être idiote.

Le paradigme spatial est biblio-centrique alors que le paradigme temporel est davantage centré sur l'usager. Il suffit de rappeler la 4ème loi de Ranganathan qui incite à épargner le temps de l'usager. Or l'exhaustivité du dépôt légal n'est pas de nature à rendre ce service.

Notre hypothèse est que le web 2.0 en fournissant des indications sur la réception et le contexte d'usage du document est en mesure de faire économiser du temps à l'usager.

dimanche 23 mars 2008

In extremis

"The Cult of the amateur" d'Andrew Keen compte exactement 204 pages.
Tout au long des 183 premières, l'autre se livre à une diatribe féroce contre le web 2.0. Il faut attendre le huitième et tout dernier chapitre pour que l'auteur sauve in extremis ce qu'il avait éreinté jusque là.
Andrew Keen semble se rendre compte que le web 2.0 ne se résume pas à un phénomène technologique. Le mouvement est inexorable et mieux faut faire contre mauvaise fortune bon coeur : "For better or for worse, Web 2.0 participatory media is reshaping our intellectual, political and commercial landscape."
Suit alors une apologie d'un web 2.0 bien tempéré, tout en équilibre et en mesure : "We need to find a way to balance the best of the digital future without destroying the institutions of the past."
Oui à la participation, à la condition qu'elle soit réservée aux experts. Tel est le credo d'Andrew Keen, décliné sous de multiples formes :

- to incorporate the voice and authority of experts with the user-generated content
- to combine public participation with gentle expert guidance
- to maintain the all-important division between content creators and content consumers
- to marry new media and traditional content without compromising editorial standards or quality
- to empower, rather than overshadow, the authority of the expert

L'empan de la participation est donc considérablement réduit. Exeunt les notions de "crowdsourcing", de "collective intelligence" et autres fadaises. La parole est aux experts. La parole n'est qu'aux experts. Mieux vaut encore le silence que les inepties déversées par les internautes non experts.

Le modèle prôné par Andrew Keen rappelle la démocratie censitaire. N'ont voix au chapitre que les experts. Chacun sait bien que cela n'est pas nécessairement un gage de qualité ou de pertinence. Rien ne dit qu'un expert aura lu le document dont il propose un commentaire. Le critique littéraire Pierre Bayard n'a-t-il pas brisé un tabou en publiant un "Comment parler des
livres que l'on n'a pas lus?". On trouve en exergue une citation d'Oscar Wilde qui enfonce le clou :
"Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique : on se laisse tellement influencer."

L'important n'est pas que la participation soit confisquée par les experts (au nom de la qualité) mais que l'usager soit en mesure de relier un discours à une typologie énonciative. Pas plus qu'il ne doit faire aveuglement confiance aux discours sans origine qui circulent sur le web, l'usager ne doit faire exclusivement confiance à la parole des experts.

samedi 22 mars 2008

Ainsi donc, c'était un canular...

Nous nous étions fait l'écho il y a quelques jours d'un article du Monde dont l'auteur n'était autre que Régis Debray. Le prince des médiologues s'inquiétait des visées sinistres d'une soi-disant commission présidentielle qui prétendait mettre bon ordre au monde poussiéreux des livres.
Il s'avère aujourd'hui que tout cela n'était qu'un canular. Nous sommes donc coupables d'avoir colporté une rumeur infondée, incriminant injustement un certain nombre de personnages qui n'avaient rien demandé.
Cette mésaventure donne à la fois tort et raison à Andrew Keen.
Il est manifeste, comme le souligne l'essayiste (après tant d'autres), qu'Internet peut être un redoutable instrument de lynchage. Des noms sont livrés à la vindicte publique pour un oui ou pour un non. Il suffit qu'un faux bruit se propage sur le web et la mayonnaise de la paranoïa ne tarde pas à monter. Internet est une vaste steppe où la foule se transforme soudain en meute et où les loups hurlent avec les loups. C'est le versant sombre du réseau.
Cette histoire nous incite pourtant à relativiser la confiance aveugle qu'accorde Andrew Keen aux experts. L'expert n'est pas au-dessus de tout soupçon. Andrew Keen durcit l'opposition entre experts et amateurs et méconnaît la fréquente absence de consensus au sein d'une même communauté d'experts. Il stigmatise d'un ton moralisateur les maux engendrés dans la société par Internet (pornographie, mercantilisme, paris en ligne etc...) mais pare les experts de toutes les qualités. C'est ignorer que les experts ne sont pas uniquement des amoureux de la vérité, qu'il existe des avis divergents sur une même question et que les experts sont soumis non seulement à la glorieuse incertitude de la science mais aussi à un certain nombre de pressions et contraintes externes. Tous les experts sont "indépendants" mais certains sont plus indépendants que d'autres... Les exemples foisonnent dans tous les domaines. Ce qui manque à l'ouvrage d'Andrew Keen, c'est peut-être une définition approfondie de la notion d'expert. Wikipedia est la cible favorite de l'essayiste et on comprend que le relativisme généralisé lui soit insupportable. Mais sa démonstration est lapidaire. Dans le monde des experts, nous dit-il, deux et deux font toujours quatre mais dans le web 2.0, il n'est pas exclu que deux et deux fassent autre chose que quatre... Mais ce qui est vrai en arithmétique ne l'est pas nécessairement dans les sciences sociales... ni même peut-être en géométrie. Demandez à deux géomètres de calculer la longueur d'une portion de la Côte atlantique et vous n'aurez sans doute pas le même résultat!
Andrew Keen oppose une vérité référentielle à une vérité par consensus. Mais qu'est-ce que l'expertise d'un expert sinon une qualité qui lui est reconnue à la faveur d'un consensus, d'un consensus d'experts certes mais d'un consensus tout de même...
Point de salut hors des experts, semble nous dire Andrew Keen et pourtant, en voici un, et non des moindres, qui est pris en défaut. Régis Debray... expert ès média.
Andrew Keen substantialise la différence entre experts et amateurs jusqu'à en faire deux races d'individus. Ce qui compte pourtant, ce n'est pas le pedigree du locuteur mais bien le discours qu'il tient. Un expert n'est ni infaillible ni omniscient. C'est pourquoi il est préférable de substituer à l'opposition expert / amateur, l'idée d'un continuum même si Andrew Keen récuse formellement l'hypothèse d'un "noble amateur" qui se situerait dans l'entre-deux.
Faisons une concession à Andrew Keen. Statistiquement, l'intérêt et la qualité du discours des experts est supérieur à celui des amateurs. Il faut se garder de toute démagogie et de tout populisme... Mais il n'y a rien à gagner d'un discours monopolisé par les experts. Andrew Keen ne dit mot par exemple des whistleblowers qui rendent d'immenses services à la communauté en brisant parfois le silence des experts. Et le consensus des experts est rarement un moteur pour l'avancée de la science.

vendredi 21 mars 2008

Three little words...

Bibliographie nationale française : trois petits mots, enfin pas si petits que ça...
L'énoncé en impose, dix syllabes au bas mot. Et encore, on vous épargne l'épithète "officielle".
Du haut de ces trois petits mots pas si petits, c'est le patrimoine de la France qui vous contemple.

Un beau jour, nous avons pris notre bâton de pélerin et arpenté les couloirs du Rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France. Nous nous disions que nous avions de bonnes chances de rencontrer au détour d'une salle de lecture un utilisateur de la Bibliographie nationale française. Grands princes et fort peu chauvins, nous étions même disposés à prendre langue avec les utilisateurs de n'importe quelle bibliographie, française ou étrangère, générale ou spécialisée.
Il est des circonstances où il ne faut pas faire le difficile.

Nous nous attendions évidemment à ce que tous les usagers du Rez-de-jardin ne connaissent pas la Bibliographie nationale française. Nous étions même préparés à déployer la formidable polysémie de l'épithète "française": documents sur la France, en langue française ou édités en France...? Ah! Ah!

Mais procédons dans l'ordre. Bonjour Monsieur, bonjour Mademoiselle. Puis-je vous importuner deux minutes? Nous réalisons une petite enquête sur la Bibliographie nationale française.
"Sur quoi?"
"La Bi-bli-o-gra-phie nationale française"
"D'accord mais alors vite..."

"Vous avez entendu parler de la Bibliographie nationale française?"

Alors là, il faut se méfier. Car nous sommes en Rez-de-jardin de la Nationale et avouer qu'on n'a jamais entendu parler de la Bibliographie nationale française alors qu'on fréquente l'établissement pour des recherches bibliographiques, ce serait perdre la face.

"Oui, la Bibliographie... ou, bien sûr... alors quoi?"

Mais les menteurs ne sont pas au bout de leur peine car vient alors la seconde question, imparable : "Et comment définiriez-vous la Bibliographie nationale française?"

Là, la personne se dit qu'elle a commis un impair et s'est mise dans de beaux draps. Difficile de faire marche arrière. Cochon qui s'en dédit et la personne a quand même le vague sentiment que la Bibliographie nationale française n'est justement pas faite pour les cochons. Elle réalisera même plus tard au vu du site de la BnF qu'elle est faite pour les professionnels.

La sueur perle sur le front, le visage se décompose, l'air vient à manquer. Nous attendons avant de proposer le QCM de la délivrance : documents sur la France, en langue française ou édités en France...? Il faut bien trouver du plaisir où l'on peut.

Mais certains inconscients soucieux de se tirer au plus vite du bourbier où ils se sont fourvoyés hasardent déjà une réponse : "Bibliographie nationale française? Ce n'est pas une association?"

Heureusement, il y a des variantes : "Ce n'est pas une revue?", "tous les livres depuis toujours?"

D'autres, plus pragmatiques, tendent désespérément le doigt vers la salle X - la salle des recherches bibliographiques.

Nous pensions que seul le terme "française" pouvait prêter à équivoque mais force est de se rendre à l'évidence. C'est le mot "Bibliographie" qui ne semble pas être immédiatement compréhensible. Nous nous félicitons tous les jours d'avoir conduit cette enquête de notoriété au Rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France et non pas à la sortie du métro le plus proche.

L'usager est donc un peu dans la même situation qu'un touriste français affamé, perdu au fin fond de l'Allemagne et examinant la carte d'un restaurant où les plats sont uniquement désignés en allemand. Le mot "Bibliographie" aussi opaque qu'un kartoffelkloesse. Qu'est-ce que c'est encore que cette cochonnerie?

Quand on pense au soin avec lequel la Bibliographie nationale française est concoctée! Vraiment, pour un peu, je dirais que c'est de la confiture pour les ....

S'il va de soi qu'il faut appeler un chat un chat, faut-il continuer à appeler une Bibliographie Bibliographie? Vaste débat philosophique qu'il ne nous appartient pas de trancher. Mais les mots foutent le camp, se dérobent sous nos pieds, y compris sur l'élégante moquette rouge du Rez-de-jardin.

dimanche 16 mars 2008

Experts, amateurs et Bibliographies nationales officielles

La réflexion d'Andrew Keen sur les affres du web 2.0 n'est pas directement transposable au sujet qui nous occupe (l'hypothèse d'une Bibliographie nationale 2.0).

Chaque terme doit être retraduit et replacé dans le contexte d'une Bibliographie nationale en ligne.

Chez Andrew Keen, l'opposition entre experts et amateurs est caricaturale pour les besoins de la démonstration. Les experts appartiennent aux médias traditionnels tandis que les amateurs hantent les espaces virtuels du web 2.0. Les uns sont consciencieux, bien formés, compétents, responsables de leurs actes, rémunérés pour leur labeur tandis que les autres sont indignes de confiance, sans goût pour la vérité, narcissiques, irresponsables.
Le plus grave est que les amateurs, forcément sans qualités, ôtent le pain de la bouche des experts, forcément au-dessus de tout soupçon.
La critique du web 2.0 a pour pendant l'idéalisation des médias traditionnels.

Ce que dépeint Andrew Keen, c'est un combat épique entre experts et amateurs, un combat à mort à l'échelle du web 2.0.

Dans le contexte qui est le nôtre, les choses s'organisent différemment. Il n'est pas question que les amateurs supplantent les experts pour alimenter ce qui serait, horresco referens, quelque chose comme une wiki-Bibliographie nationale. Le préfixe "wiki" est antinomique à l'épithète "officiel". Le mode de constitution de la Bibliographie nationale française (sur la base du dépôt légal) empêche ce qui serait de toute évidence une absurdité.

Il est difficile d'imaginer que les "amateurs" puissent jouer un rôle autre que marginal dans ce domaine. Les experts (à savoir les bibliothécaires, seuls ou assistés d'autres professionnels) ne sont pas menacés par la perte de leur monopole. Les amateurs seraient au mieux leurs adjuvants, mais en aucun cas leurs concurrents.

Il en va autrement pour toutes les fonctions secondaires (commentaire, tagging, signalement de documents en lien). Qui serait susceptible d'occuper la place de l'expert dans ce cas?

Le bibliothécaire maîtrise l'art de décrire un document en fonction de normes bibliographiques mais au-delà de sa capacité d'indexation, maîtrise-t-il pour autant le sujet, est-il capable d'évaluer le document par rapport aux autres documents produits sur le même sujet?
La réponse à ces questions est sans doute négative. Même si le bibliothécaire disposait de ces compétences, la Bibliothèque n'aurait pas les moyens de mettre en oeuvre un tel dispositif.

Si ce n'est pas le bibliothécaire (l'expert bibliographique), qui donc? On songe tout naturellement à l'expert (du domaine) ou plutôt aux experts du domaine.

Ce que nous voulons dire, c'est que la relation agonistique décrite par Andrew Keen ne se vérifie pas dans tous les cas de figure. Il n'y a pas nécessairement friction entre experts et amateurs. Il peut y avoir une distribution des rôles.

Andrew Keen définit le monde des experts comme un monde où "deux et deux font quatre" et le monde du web 2.0 comme un monde où il n'est pas exclu que "deux et deux fassent trois ou cinq".

Dans l'environnement d'une bibliographie nationale officielle, on peut cependant concevoir des avis experts et divergents sur un même document.

Andrew Keen reproche aussi au web 2.0 de représenter une perte de temps car dans un monde de profusion informationnelle, il devient nécessaire de filtrer une infinité de documents auto-publiés.

Mais appliqué à une Bibliographie nationale, le web 2.0 peut représenter un gain de temps. Un commentaire peut définir par exemple le contexte de réception et d'usage d'un document et épargner à l'usager la consultation de documents qui ne correspondent ni à ses besoins ni à ses attentes. Un étudiant ou un chercheur ne peut pas toujours savoir à la lecture d'une notice si le document répertorié dans la Bibliographie nationale est un ouvrage de vulgarisation ou un ouvrage hyper-spécialisé. Entre deux documents sur le même sujet, il n'a pas les moyens de savoir celui qui lui conviendrait le mieux.

Même diabolisé, le web 2.0 n'est pas nécessairement une promesse d'enfer...

vendredi 14 mars 2008

Retour de manivelle?

Bonne nouvelle pour tous ceux qu'incommode ou révulse l'idée même d'une Bibliographie nationale 2.0.

Alors que certains prophétisaient déjà l'avénement d'un web 3.0, d'autres annoncent un spectaculaire renversement de tendance.

L'an dernier, Andrew Keen dénonçait le culte de l'amateur. Cette semaine, Newsweek prédit la revanche des experts dans un article de Tony Dokoupil daté du 6 mars 2008:

http://www.newsweek.com/id/119091?tid=relatedcl

Le journaliste explique que la demande d'informations fiables (et accessoirement monétisables) serait en train d'exploser. L'écume informationnelle qui serait la marque du web 2.0 est, nous dit-il, sur le point de refluer.

Certains sites adeptes du web 2.0 comme About.com sentent le vent tourner et recrutent des rédacteurs spécialisés, ce qui leur permet d'augmenter significativement leurs revenus publicitaires. À tout prendre, mieux vaudrait une "dictature des experts qu'une dictature des idiots", pour paraphraser une formule d'Andrew Keen...

Mais s'agit-il bien d'une revanche absolue signant la déroute du web 2.0 et de la notion de crowdsourcing? Ou bien s'agit-il d'assagir le web 2.0, d'en contrôler les dérives et les excès, bref de le civiliser?

Il est important de bien peser chaque mot de la déclaration de l'initiateur de Mahalo, un moteur de recherche collaboratif qui entend fonder ses résultats sur la qualité des contenus plutôt que sur la notoriété à la façon de Google : "The wisdom of the crowds has peaked [...] Web 3.0 is taking what we've built in Web 2.0 - the wisdom of the crowds - and putting an editorial layer on it of truly talented, compensated people to make the product more trusted and refined."

Ce n'est donc pas une contre-révolution du web 2.0 qui est en marche mais un processus de civilisation du web 2.0, réorienté vers des contenus de qualité. Non pas un monde (celui des experts) contre l'autre (les amateurs, assimilés fréquemment à des idiots) mais the best of both worlds. Qu'on le veuille ou non, web 2.0 is here to stay.

Liens vers la Bibliographie nationale française

La curiosité nous a poussés à nous demander s'il existait sur la Toile des liens qui pointaient vers la Bibliographie nationale française. Nous n'en avions en effet jamais rencontrés et nous étions sur le point de conclure qu'il n'en existait pas.
Certes les notices de la Bibliographie nationale française sont moissonnées par Google mais la Bibliographie nationale française en tant que forme et produit paraissait privée de ces "Windows on the World" que sont les hyperliens. Certes, l'existence d'un lien ne signifie pas que ce lien a jamais été suivi...
Nous avons procédé avec les moyens du bord c'est-à-dire en tapant link:"Bibliographie nationale française" dans la barre d'interrogation. Les esprits chagrins feront observer que le nombre de réponses est variable d'un jour à l'autre, ce qui est vrai mais en général en février-mars 2008, ce nombre tournait autour de 400 liens. Notre but n'était pas de calculer précisément le nombre de liens mais plutôt d'en identifier l'origine géographique et d'en dresser une typologie.
Nous étions prêts par exemple à jurer qu'un grand nombre de liens proviendrait de pays ou d'institutions francophones. Il était intéressant également de voir dans quel type de site les liens étaient proposés (sites d'universités, sites personnels, etc.) et sur quel type de page.
Au terme d'un travail préliminaire d'élagage et de vérification, le total de 400 sites a fondu comme neige au soleil. Ce sont les 170 liens restants qui ont fait l'objet d'une analyse approfondie.
Où s'attendrait-on à trouver un lien vers la Bibliographie nationale française et où n'en trouve-t-on pas? Où la présence d'un lien se justifierait-elle? Pourquoi certains établissements d'une même catégorie offrent-ils un lien vers la Bibliographie nationale française et d'autres non?

Nous ne livrerons pas à ce stade les conclusions de cette étude. Nous nous bornerons à signaler qu'un lien sur deux provient d'un site français. Tout est ensuite affaire d'interprétation...

jeudi 13 mars 2008

Le bon grain et l'ivraie

Dans un article du Monde en date du 6 mars 2008 intitulé "Dépoussiérer les livres...", Régis Debray brocarde à juste titre les axes d'une commission "présidée par Marc Lévy, assisté de Paul-Loup Sulitzer et de Michel-Édouard Leclerc" dont celui qui consisterait à mettre fin au dépôt légal, institution désuète, pharaonique, inadaptée à la demande réelle du consommateur.

La fin du dépôt légal aurait automatiquement des répercussions sur la Bibliographie nationale française. Les défenseurs de ce produit auraient raison de s'insurger contre une limitation du dépôt obligatoire aux "meilleures ventes hebdomadaires de L'Express" (selon l'exemple goguenard de Régis Debray). Il ne manquerait pas de principes philosophiques, moraux, déontologiques pour étayer de justes protestations. Le dépôt légal est par nature constitué de bon grain et d'ivraie, point final. Le principe même du dépôt légal est le renoncement à toute forme de discrimination documentaire. Qui sait en effet si l'ivraie ne se métamorphosera pas sur le long terme en bon grain? L'intérêt d'un document ne se décrète pas dans l'ici et maintenant.

Ce qui est paradoxal, c'est qu'il est vraisemblable que les défenseurs de la Bibliographie nationale française tiennent à l'égard du web 2.0 le même discours que les adversaires du dépôt légal.
J'entends déjà la voix de ceux qui condamneront l'idée même d'une Bibliographie nationale 2.0 au nom de la nécessité impérieuse de séparer le bon grain de l'ivraie.

Voici ce que dit Andrew Keen des contenus générés par l'usager : "The more self-created content that gets dumped onto the Internet, the harder it becomes to distinguish the good from the bad."

L'ivraie serait bonne pour le dépôt légal, mauvaise pour le web 2.0.
Deux poids deux mesures?

Être ou ne pas être... un singe

L'ouvrage d'Andrew Keen qui a pour titre "The Cult of the amateur" et pour sous-titre "how today's internet is killing our culture" se présente comme l'oeuvre d'un repenti, d'un converti à rebours, d'un pourfendeur du Web 2.0 finalement revenu à la raison. L'auteur entre dans la catégorie des individus qui brûlent ce qu'ils ont adoré, qui diabolisent ce qu'ils ont sanctifié.
Bref un born-again qui, ayant triomphé de la tentation du web 2.0, est à nouveau conquis par les vertus des médias traditionnels.
Le brûlot regorge d'oppositions binaires qui tissent une rhétorique fascinante : amateur / expert, web 2.0 / médias traditionnels, vérité / relativisme, qualité / rebut, ordre / chaos, auteur / remixeur, culture / degré zéro de la culture...
Bref lire ce genre d'ouvrage est au premier abord dangereux pour quiconque se propose d'examiner l'hypothèse oxymoronique d'une Bibliographie nationale 2.0. Andrew Keen assène avec brio un nombre d'arguments suffisants pour faire perdre la foi aux évangélistes les plus zélés du web 2.0. Mais si elles sont tendanciellement vraies, ses critiques ne le sont pas dans l'absolu. La flamboyance du discours, qui a sans doute contribué au succès de l'ouvrage, occulte les éventuelles objections qui pourraient être présentées.
Prenons en guise d'exemple la critique radicale des blogs à laquelle se livre Andrew Keen.
D'après celui-ci, le blog est synonyme de discours auto-centré, voire autiste, commis par des amateurs mal informés, peu éclairés, anonymes, voire mal intentionnés. Une horde sauvage dans le jardin de la culture... Mais cette définition qui stigmatise le blog en tant que forme de publication se heurte à un nombre significatif de contre-exemples : le blog n'est plus l'apanage d'adolescents qui ont remisé le journal intime sur papier cher aux générations précédentes. Il existe de nombreux blogs d'experts et spécialistes en tous domaines qui ont librement choisi la forme du blog et dont la motivation principale n'est pas de tirer recette de leur activité sur Internet.
Ce qui fait aujourd'hui un auteur, semble se plaindre Andrew Keen, ce n'est pas la qualité du contenu (qu'il invente) mais le simple fait de disposer des outils nécessaires à la publication d'un contenu. Si tout le monde est auteur, en somme, il n'y a plus d'Auteur. L'ultra-démocratie a eu sa peau. Mais le raisonnement est fallacieux. Tout le monde peut être auteur (c'est-à-dire publier sur Internet) et dans le lot, il subsiste, à n'en pas douter, des Auteurs. De grands écrivains ne tiennent-ils pas un blog? Cessent-ils pour autant d'être des Auteurs?
Andrew Keen a d'autre part une vision idéalisée de la création de contenu et surtout une vision quelque peu datée. Pour lui, tout contenu digne de ce nom est le produit d'un esprit génial, original et sans antériorité qui innove radicalement. Toute création émerge d'une tabula rasa. Quelqu'un aurait dû prendre le soin de lui rappeler la maxime pleine de modestie de Montaigne pour qui "nous ne faisons que nous entregloser". Andrew Keen a la hantise d'une culture qui n'invente plus, ne crée plus, ne progresse plus mais ressemble à une roue de hamster qui tourne dans l'infini du vide : "It's the blind leading the blind - infinite monkeys providing infinite information for infinite readers, perpetuating the cycle of misinformation and ignorance."

En créant ce blog avons-nous pour autant rejoint cette armée de singes? Nos traits sont-ils devenus simiesques? Habitons-nous la planète des Singes? Avons-nous seulement la prétention d'être des Auteurs? La production d'information ne peut se mesurer tout à fait, nous smeble-t-il, à l'aune de la création artistique.

Il est plus que temps à ce stade d'expliquer de quels singes il s'agit. Il n'est en effet pas question du surnom donné jadis à certains ouvriers typographes. L'allusion provient d'un théorème de T.H. Huxley selon lequel "if you provide infinite monkeys with infinite typewriters, some monkey somewhere will eventually create a masterpiece". Sous-entendu : les chances sont minces et mieux vaut somme toute ne pas confier de machines à écrire (ou aujourd'hui de claviers d'ordinateur) à un singe."

mardi 11 mars 2008

Surprises, grandes et petites or what's in a parenthesis?

Découverte de la nouvelle page d'accueil de la Bibliothèque nationale de France.
La première impression est favorable. La couleur mauve, quelque peu sacerdotale, est égayée par un vert tendre et printanier et l'espace de la page est mieux occupé que ce n'était le cas par le passé. Moins de minimalisme et plus de centralité. On pressent qu'il y aura une partie fixe et une partie mobile réservée à l'actualité et à l'évenementiel.
Gallica 2 et le Salon du Livre sont manifestement mis en vedette.
Une animation vidéo et un nuage de tags, voilà peut-être une grande première pour le portail de la Bibliothèque nationale de France.
Le nuage de tags est-il un signe démontrant que l'esprit du Web 2.0 est en train de souffler sur l'institution? Une concession aux modes contemporaines?

Mais, on le sait, le diable est dans les détails. Notre regard de spectateur engagé finit par tomber sur la rubrique Rechercher au fond de laquelle figure la Bibliographie nationale française, affublée d'une énigmatique parenthèse : (pour les professionnels).

Difficile et sans doute vain de remonter aux origines de cet ajout un brin singulier. Professionnels de quoi, d'abord? Cette mention est suffisamment dissuasive pour écarter les étudiants ou enseignants chercheurs qui auraient eu la tentation de cliquer sur le lien. Allez voir ailleurs si la référence s'y trouve. La Bibliographie nationale française, c'est trop fort pour toi...

Il faudra donc au visiteur de la nouvelle page d'accueil une bonne dose d'esprit de contradiction pour passer outre cette restriction d'usage. Cette parenthèse est une façon de marquer le territoire. Les non-professionnels n'auraient pas tort de s'offusquer de cet usage apparemment réservé. La loi sur le dépôt légal envisage certes l'élaboration de la Bibliographie nationale française comme une contrepartie à la réception des documents mais ne prescrit nullement l'usage qui doit être fait de ce produit.

Quel besoin impérieux y a-t-il donc de tenir l'usager sinon à distance du moins en respect?
Une parenthèse, ce n'est pas grand-chose mais c'est déjà beaucoup (trop?) proportionnellement au contenu millimétré du portail d'une grande institution.

Cette parenthèse forme comme une exception, un îlot de résistance face à la nécessité, sans cesse affirmée de démocratiser l'accès aux services de bibliothèque. Cette parenthèse saute aux yeux comme le faux-nez au milieu de la figure car elle dit quelque chose comme : Touche pas à ma Bibliographie nationale. C'est pour les pros, uniquement les pros et donc tu n'as aucun droit de regard.
"
Si l'on s'en tient encore une fois à la stricte interprétation de la loi, la Bibliographie nationale française n'a pas de forme légalement prescrite et rien n'empêche a priori, en modifiant la forme de la Bibliographie nationale française, d'élargir la palette des usages. Est-il si difficile d'imaginer des usages non professionnels de ce produit?

En résumé, l'esprit du Web 2.0 (qui n'est pas toujours très sain, reconnaissons-le) souffle très inégalement sur les services de bibliothèque.

Le thème même de notre questionnaire ("La Bibliographie nationale française et vous") est en porte-à-faux avec le contenu de la parenthèse ("La Bibliographie nationale française pour nous et entre nous").

Une Bibliographie nationale française 2.0 ? : Over my dead body! , semble dire l'institution, sous couvert d'anonymat...

Sur ce dernier point on peut d'ailleurs renvoyer l'institution dos-à-dos avec les pratiques du web 2.0....

C'est pourquoi non contents de lire entre les lignes, il est important de lire ce qui figure à l'intérieur des parenthèses. Diabolicum perseverare?

vendredi 7 mars 2008

Appel à contribution : qu'attendons-nous des lecteurs de ce blog?

De même que nous avons posé à l'usager la question de savoir s'il était disposé à collaborer dans le cadre de la Bibliographie nationale française, nous entendons recueillir l'avis de tous ceux qui s'intéressent au web 2.0 et à la notion de collaboration sur cet objet singulier qu'est la Bibliographie nationale française.

Il sera intéressant de comparer ultérieurement le constat des adeptes du participatif et celui des répondants à notre questionnaire qui utilisent le produit.

Mais c'est surtout pour la phase prospective que nous avons besoin du concours de personnes plus éclairées que nous. À quoi pourrait ressembler une Bibliographie nationale française 2.0?
L'idée même de Bibliographie nationale française 2.0 a-t-elle un sens ou est-elle particulièrement saugrenue? Quels obstacles faudrait-il surmonter si d'aventure la Bibliographie nationale française envisageait d'évoluer vers une forme 2.0?

Par-delà ces questions centrales, tout commentaire sur notre méthode et sur le questionnaire nous sera évidemment utile.

Voici pour commencer l'adresse de la Bibliographie nationale française :

http://bibliographienationale.bnf.fr/

Vous trouverez sur la page d'accueil un lien vers notre questionnaire.

D'avance, un grand merci à tous ceux qui accepteront de jouer le jeu!

Questionnaire et/ou coup de pub?

Nous récolterons de toute évidence les réponses que notre questionnaire mérite. Mais ce questionnaire est peut-être avant tout une manière de poser la question de l'usager à un produit qui a essentiellement un fondement institutionnel.

Un des effets induits du questionnaire sera (peut-être) l'augmentation de la consultation de la Bibliographie nationale française. Certes le produit n'a pas le sex appeal de certaines expositions mais éveiller la curiosité des non-usagers ne peut qu'être bénéfique, tant il est vrai qu'on ne peut se servir que de ce qu'on connaît!

A la recherche des usagers de la Bibliographie nationale française à la sortie des salles de lecture

A la lecture des cent premiers questionnaires, nous avons une idée plus précise des questions stratégiques par rapport à notre hypothèse de collaboration entre l'usager et la Bibliographie nationale française.

Nous avons donc condensé notre enquête en ligne (qui contient des questions précises sur des aspects de détail) pour ne retenir qu'une dizaine de questions. Nous avons entrepris de poser ces questions aux usagers fréquentant les salles de lecture du Rez-de-jardin à la BnF.

Nous disposons d'un questionnaire pour ceux qui ne connaissent pas la Bibliographie nationale française. À cette expression peut-être énigmatique, quelle réalité sont-ils tentés d'accrocher?
Bref, l'enquête d'usage se double d'une enquête sur la notoriété de la Bibliographie nationale française.

Le contact direct avec l'usager (ou d'ailleurs le non-usager) est riche d'enseignements dans la mesure où le comportement non-verbal de l'usager permet de contextualiser et d'expliciter ses réponses. Il est manifeste que les réponses des usagers au questionnaire en ligne doivent être prises "with a pinch of salt"...

Malgré toutes nos tentatives pour éradiquer le "parler bibliothécaire" (comme, par exemple, le mot "notice"), il subsiste dans le questionnaire des formules opaques pour la plupart des usagers. Qu'est-ce par exemple qu'un "lot sur profil"?
Si l'usager omet de répondre à la question sur les "lots sur profil", ce n'est pas forcément parce qu'il considère qu'il s'agit d'une fonctionnalité inutile. Certains usagers interrogés en direct, à qui l'on prend le temps d'expliquer ce dont il s'agit, manifestent instantanément leur enthousiasme...

C'est le jeudi que les gens répondent au questionnaire

Cela fait 18 jours que notre questionnaire sur la Bibliographie nationale française est en ligne.
D'un jour à l'autre, le nombre de réponses varie sensiblement dans une fourchette de 1 à 36.
C'est le jeudi que notre questionnaire fait le plus recette.
Il existe un accès double au questionnaire destiné aux usagers : un premier accès pour les visiteurs du site de la BnF ou de la Bibliographie nationale française, un autre pour tous ceux qui ont été sollicités via des mailings ciblés (à partir de fichiers spécifiques : éditeurs, clients des produits BnF, professionnels des bibliothèques en France et à l'étranger) et de messages dans plusieurs listes de diffusion. Nous avons d'ores et déjà dans l'idée que le second accès est plus utilisé que le premier. Les différents moyens de diffusion n'ayant pas été mis en oeuvre à la même date, il sera intéressant d'examiner ceux qui auront été les plus efficaces en termes de taux de retour.