vendredi 21 mars 2008

Three little words...

Bibliographie nationale française : trois petits mots, enfin pas si petits que ça...
L'énoncé en impose, dix syllabes au bas mot. Et encore, on vous épargne l'épithète "officielle".
Du haut de ces trois petits mots pas si petits, c'est le patrimoine de la France qui vous contemple.

Un beau jour, nous avons pris notre bâton de pélerin et arpenté les couloirs du Rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France. Nous nous disions que nous avions de bonnes chances de rencontrer au détour d'une salle de lecture un utilisateur de la Bibliographie nationale française. Grands princes et fort peu chauvins, nous étions même disposés à prendre langue avec les utilisateurs de n'importe quelle bibliographie, française ou étrangère, générale ou spécialisée.
Il est des circonstances où il ne faut pas faire le difficile.

Nous nous attendions évidemment à ce que tous les usagers du Rez-de-jardin ne connaissent pas la Bibliographie nationale française. Nous étions même préparés à déployer la formidable polysémie de l'épithète "française": documents sur la France, en langue française ou édités en France...? Ah! Ah!

Mais procédons dans l'ordre. Bonjour Monsieur, bonjour Mademoiselle. Puis-je vous importuner deux minutes? Nous réalisons une petite enquête sur la Bibliographie nationale française.
"Sur quoi?"
"La Bi-bli-o-gra-phie nationale française"
"D'accord mais alors vite..."

"Vous avez entendu parler de la Bibliographie nationale française?"

Alors là, il faut se méfier. Car nous sommes en Rez-de-jardin de la Nationale et avouer qu'on n'a jamais entendu parler de la Bibliographie nationale française alors qu'on fréquente l'établissement pour des recherches bibliographiques, ce serait perdre la face.

"Oui, la Bibliographie... ou, bien sûr... alors quoi?"

Mais les menteurs ne sont pas au bout de leur peine car vient alors la seconde question, imparable : "Et comment définiriez-vous la Bibliographie nationale française?"

Là, la personne se dit qu'elle a commis un impair et s'est mise dans de beaux draps. Difficile de faire marche arrière. Cochon qui s'en dédit et la personne a quand même le vague sentiment que la Bibliographie nationale française n'est justement pas faite pour les cochons. Elle réalisera même plus tard au vu du site de la BnF qu'elle est faite pour les professionnels.

La sueur perle sur le front, le visage se décompose, l'air vient à manquer. Nous attendons avant de proposer le QCM de la délivrance : documents sur la France, en langue française ou édités en France...? Il faut bien trouver du plaisir où l'on peut.

Mais certains inconscients soucieux de se tirer au plus vite du bourbier où ils se sont fourvoyés hasardent déjà une réponse : "Bibliographie nationale française? Ce n'est pas une association?"

Heureusement, il y a des variantes : "Ce n'est pas une revue?", "tous les livres depuis toujours?"

D'autres, plus pragmatiques, tendent désespérément le doigt vers la salle X - la salle des recherches bibliographiques.

Nous pensions que seul le terme "française" pouvait prêter à équivoque mais force est de se rendre à l'évidence. C'est le mot "Bibliographie" qui ne semble pas être immédiatement compréhensible. Nous nous félicitons tous les jours d'avoir conduit cette enquête de notoriété au Rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France et non pas à la sortie du métro le plus proche.

L'usager est donc un peu dans la même situation qu'un touriste français affamé, perdu au fin fond de l'Allemagne et examinant la carte d'un restaurant où les plats sont uniquement désignés en allemand. Le mot "Bibliographie" aussi opaque qu'un kartoffelkloesse. Qu'est-ce que c'est encore que cette cochonnerie?

Quand on pense au soin avec lequel la Bibliographie nationale française est concoctée! Vraiment, pour un peu, je dirais que c'est de la confiture pour les ....

S'il va de soi qu'il faut appeler un chat un chat, faut-il continuer à appeler une Bibliographie Bibliographie? Vaste débat philosophique qu'il ne nous appartient pas de trancher. Mais les mots foutent le camp, se dérobent sous nos pieds, y compris sur l'élégante moquette rouge du Rez-de-jardin.

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