dimanche 23 mars 2008

In extremis

"The Cult of the amateur" d'Andrew Keen compte exactement 204 pages.
Tout au long des 183 premières, l'autre se livre à une diatribe féroce contre le web 2.0. Il faut attendre le huitième et tout dernier chapitre pour que l'auteur sauve in extremis ce qu'il avait éreinté jusque là.
Andrew Keen semble se rendre compte que le web 2.0 ne se résume pas à un phénomène technologique. Le mouvement est inexorable et mieux faut faire contre mauvaise fortune bon coeur : "For better or for worse, Web 2.0 participatory media is reshaping our intellectual, political and commercial landscape."
Suit alors une apologie d'un web 2.0 bien tempéré, tout en équilibre et en mesure : "We need to find a way to balance the best of the digital future without destroying the institutions of the past."
Oui à la participation, à la condition qu'elle soit réservée aux experts. Tel est le credo d'Andrew Keen, décliné sous de multiples formes :

- to incorporate the voice and authority of experts with the user-generated content
- to combine public participation with gentle expert guidance
- to maintain the all-important division between content creators and content consumers
- to marry new media and traditional content without compromising editorial standards or quality
- to empower, rather than overshadow, the authority of the expert

L'empan de la participation est donc considérablement réduit. Exeunt les notions de "crowdsourcing", de "collective intelligence" et autres fadaises. La parole est aux experts. La parole n'est qu'aux experts. Mieux vaut encore le silence que les inepties déversées par les internautes non experts.

Le modèle prôné par Andrew Keen rappelle la démocratie censitaire. N'ont voix au chapitre que les experts. Chacun sait bien que cela n'est pas nécessairement un gage de qualité ou de pertinence. Rien ne dit qu'un expert aura lu le document dont il propose un commentaire. Le critique littéraire Pierre Bayard n'a-t-il pas brisé un tabou en publiant un "Comment parler des
livres que l'on n'a pas lus?". On trouve en exergue une citation d'Oscar Wilde qui enfonce le clou :
"Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique : on se laisse tellement influencer."

L'important n'est pas que la participation soit confisquée par les experts (au nom de la qualité) mais que l'usager soit en mesure de relier un discours à une typologie énonciative. Pas plus qu'il ne doit faire aveuglement confiance aux discours sans origine qui circulent sur le web, l'usager ne doit faire exclusivement confiance à la parole des experts.

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